mercredi 18 mars 2015

Etudes avec gouache

Je me suis proposé de compléter mes moyens d'études préliminaires.  Ils se limitaient jusqu'ici au fusain, aux crayons de graphite, aux crayons de couleur et à l'aquarelle.
L'usage de la gouache, pensais-je, devait me permettre d'approfondir les essais de sous-couches, dont je fais grand usage dans ma pratique picturale.


Matériel et recette de la gouache

- Pinceaux absorbant, mais assez nerveux (soies de porc ou synthétiques), plats ou/et ronds, grandeur 2 à 8, c'est-à-dire qu'on ne recherche pas le détail, mais uniquement la lisibilité.
- Papier relativement résistant, minimum 120 g/m2, de format a5,soit  148 × 210mm,(maximum a4) ; inutile de prendre plus petit (illisible) ni plus grand (c'est pour une étude, pas une fresque sur la Muraille de Chine !)
- Une palette plate, ou creuse si vous préférez.
- De la gouache dont voici la recette :
  +1 volume de pigments (poudre) + (facultatif)1-2 vol. de craie (CaCO3)
  +1 volume de dextrine
  +1-3 volume(s) d'eau déminéralisée selon consistance désirée
  +1 goutte d'eau de miel (1:2) par ml du mélange ci-dessus
  +quelques gouttes d'essence de girofle, pour la conservation.

J'ai fait cinq petites pochades rapides qui m'ont démontré les principales qualités de la gouache, mais aussi ses limites. Les quatre premiers travaux se bornent aux valeurs lumineuses ; ainsi deux couleurs suffisent : blanc et terre d'ombre brûlée. Difficile de faire plus simple.
Dans le premier, j'utilise les transparences de l'aquarelle et les opacités liées surtout aux nuances de blanc.
Mêler ces deux techniques représente une vraie gymnastique mentale, tant les deux concepts sont différents. En effet, l'aquarelle permet d'incarner les couleurs dans la lumière originelle (le blanc du papier). D'une manière alternative, le blanc opaque de la gouache offre la possibilité de revêtir les couleurs de lumière matérialisée en empâtement (les soleils de Turner étaient épais comme des pièces de monnaie !). 
gouache N°1 (Conrad Veidt - Cabinet Of Dr. Caligari -1920)
Dans ce premier exemple (issu du film Le cabinet du docteur Calligari, tout comme le second), le visage seul est illuminé par la gouache.
(Les deux traits rouges sont des rehauts de crayon, ajoutés juste "pour l'art" ;o).

Les trois études suivantes sont peintes avec la gouache opaque uniquement. Pour les deux derniers, j'ai d'abord peint une couche unie de terre d'ombre légèrement diluée, ce qui permet de poser très rapidement les principales ombres et lumières, tout en laissant les demi-tons apparaitre. Le but, ne l'oublions pas, est d'utiliser ce medium pour faire des études préliminaires rapides, non de passer des heures pour parfaire une oeuvre !
gouache N°2 (1920 - Cabinet Of Dr. Caligari)


gouache N°3 (1968 - Night of the LD - Romero)


gouache N°4 - Musidora (1915 - Les Vampires - Feuillade)
gouache N°5 Toulouse-Lautrec - 1901?
Apres avoir peint ces quatre études de valeur, je me suis senti assez à l'aise avec la gouache pour introduire les trois couleurs primaires dans ma palette. J'y ai également ajouté un ocre doré (de Vérone), petit caprice esthétique :o)
J'ai crayonné les axes du visage par dessus un fond d'ocre peu dilué. J'ai ensuite posé les chauds, les froids, les ombres et quelques lumières. Après quelques minutes de séchage, j'ai travaillé tous les tons avec de la couleur épaissie de gouache blanche. J'ai ensuite redéfini, voire reprécisé, les tonalités et les valeurs, souvent sous forme de rehauts.
(J'ai pris comme modèle l'un des maîtres des «techniques de la gouache» : Toulouse-Lautrec, ici à la triste fin de sa vie.)


Conclusion et bilan provisoire

La gouache est un outil d'étude extraordinaire. Facilement et rapidement mise en oeuvre, elle permet d'obtenir un apperçu convenable d'une image en phase de création. En 10 à 45 minutes on obtient une reflet convaincant de son imagination. C'est parfait !
Il est cependant illusoire de tenter une approche des sous-couches qui feront vibrer le futur tableau : les sous-couches de gouache sont diluées par les couches suivantes ! Il faudrait intercaler des résines solubles en essence de térébenthine pour protéger la gouache soluble à l'eau uniquement. L'étude perd alors sa légèreté et sa simplicité, gages de rapidité, voire de fraîcheur.
Mais cette méthode (résine intercalaire) serait parfaite pour des oeuvres entièrement peintes à la gouache.


English Résumé

I made some studies with my own home-made medium. The purpose is to have a very simple and versatile medium to make preliminary studies.
Both coloured and tonal works are quickly made and sufficient. The gouache will be a fine tool in my future projects. 

samedi 7 mars 2015

Etude sur autoportrait

étape 1
J'ai pour habitude d'utiliser mon visage comme modèle à chaque fois que j'essaie une nouvelle façon de peindre.
En effet, la peinture, l'art en général, représente pour moi un apprentissage constant.
Je suis depuis toujours incapable de m'en tenir à une manière de faire. L'exploration aurait pu être - est - mon second pôle d'attraction.
C'est ainsi que j'ai remis mon tablier et repris mes différents produits pour tenter de trouver de nouvelles manières de coller les pigments sur ma surface picturale. Jusqu'ici, venant des techniques plutôt aquarellées, j'avais tendance à utiliser essentiellement des pigments transparents et des superpositions de glacis pour atteindre mes coloris et mes lumières. Une seule concession à l'opacité :


étape 2
j'avais introduit le blanc de zinc mélangé d'une petite quantité de titane, afin que mes voiles demeurent les plus translucides possibles, quitte à en superposer plusieurs couches.

J'ai fabriqué récemment une cire saponifiée, diluée en trois consistances : lait, crème et ... beurre. La cire me permet d'épaissir ma couleur tout en utilisant l'eau comme diluant. D'autres préfèrent la faire fondre dans l'essence de térébenthine rectifiée. Je le ferai peut-être aussi, mais uniquement si j'ai déjà de la térébenthine dans ma tempera, en utilisant de la résine dammar par exemple. Pour saponifier la cire, il faut la faire fondre dans de l'eau et la disperser au fouet après avoir ajouté du carbonate d'ammonium. Attention à la mousse abondante ! 

étape 3
Proportions pour le lait de cire saponifiée :
10 vol d'eau déminéralisée
2 vol de cire d'abeille blanchie
2 vol de carbonate d'ammonium
(Attention, pas le bicarbonate de soude utilisé en cuisine !)

J'ai également allumé mon four (150°C  pendant 12 heures) pour y faire chauffer de la fécule de pomme de terre afin de la transformer en dextrine. Il suffit de l'étaler sur du papier blecherin en couche d'environ 1 centimètre d'épaisseur. On obtient une hydrolyse beaucoup plus homogène en remuant l'amidon toutes les 30 minutes.
J'ai également obtenu une dextrine brune qui fonctionne parfaitement comme liant en poussant la température à 200°C et en réduisant la cuisson à deux heures. Elle devient moins acide, même basique.
étape 4
Le gain de temps est considérable, mais la couleur brune de la dextrine teint un peu les couleurs clairs. 
On pourrait très bien utiliser la dextrine blonde pour les couleurs fines et la dextrine brune pour les couleurs de terre (ocres et autres argiles) et les oxydes de fer.
Ce liant me plaît beaucoup car il me permet de rester dans les couleurs aqueuses et donc de garder une certaine simplicité de mise en oeuvre. Il est aussi bien meilleur marché que la gomme arabique, surtout si l'on tient compte du fait que les patates poussent chez moi alors que acacia senegal et acacia arabica poussent en Afrique.
L'art n'est pas fait pour polluer.

étape 5
Je ne vois aucune raison pour que mes colles fassent 5000 kilomètres avant de finir sur l'un de mes tableaux ou études.
Je ne suis cependant pas ici pour m'exprimer sur les effets pèervers de la mondialisation.

Bref, j'ai donc ajouté de la cire d'abeille à mes tempera et j'ai fabriqué mes gouaches d'études pour vraiment pas cher.
La tempera me sert pour les travaux achevés et la gouache me permet de mettre en place la stratégie de leurs réalisations en utilisant des couleurs opaques.
Car c'est là que réside la nouveauté pour moi : l'opacité pour monter vers la lumière plutôt que la transparence pour la préserver ou l'utiliser pour éclairer mes couleurs par en-dessous.

étape 6
Vous pouvez voir sur les images de cet article que dès la deuxième étape j'utilise un ocre jaune opaque et qu'à partir de la quatrième reprise toutes les couleurs sont opaques.

J'ai utilisé quelques glacis de règlage vers la fin, surtout pour affiner l'harmonie de l'image.

L'essai, bien qu'imparfait, est concluant. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler ces pâtes pigmentées et c'est déjà une bonne raison de continuer à les utiliser. Bien sûr, j'ai eu le sentiment d'une petite régression dans mon expression, dans la mesure où la technique occupait mon esprit souvent autant que l'aspect artistique. Des exercices nombreux à la gouache devraient me redonner rapidement l'aisance que j'ai avec les couleurs translucides.


le travail achevé
Utiliser mon image comme sujet d'essai me permet d'avoir un modèle très disponible ! De plus, l'exercice est amusant et je peux comparer dans le temps l'évolution de ma personne et de l'image que j'en donne.
J'avoue cependant, que l'enjeu est beaucoup plus intime qu'on pourrait le croire. A plus forte raison si le résultat devient publique. Présenter mon image sur ce blog est intéressant pour l'aspect technique, mais cela me remet surtout à l'esprit que je dois un respect immense à tous ceux qui ont bien voulu être mes modèles jusqu'à maintenant et ceux qui voudront bien le faire ultérieurement.
Qu'ils en soit ici et dès maintenant encore remercié  :o)


English Résumé

I've tried to incorporate opaque painting in this picture. Until now, I used to preserve the white of the underground which provides the translucent light to my transparent coats. This was the watercolour principe, adapted to my different tempera medium.
This time, I have to provide a new light on top of the previous coats like every painter does with oil paint.
To make my tempera more stiff and opaque, I need saponified beeswax and homemade blond dextrine (from potatoe starch). Both of them can be diluted with water, which keeps the whole process quite simple.
The wax will make my tempera mors stiff like chalk does.
The dextrin will bind my pigments and make a very affordable gouache for study.