lundi 18 mai 2015

Le masque ou le voile

Les yeux sans visage (1960) gouache, pastel, tempera

Objectif

Désireux de passer un temps de recherche purement formelle, j'ai travaillé plusieurs petits formats dont le prétexte était une réflexion sur le masque et le voile.
Ces petites études ont pour modèles des images extraites de films en noir et blanc. En tant que telles, elles ne peuvent que servir d'études, rien d'autre, puisque je ne possède pas les droits de reproduction.
D'ailleurs les reproductions que vous voyez sur cette page sont totalement impropres à l'impression numérique.
Sur un plan purement technique, elles sont essentiellement libres, mêlant la tempera, la gouache et le pastel, voire le fusain.
Trois d'entre elles ont parfois complètement été recouvertes d'un voile de peinture, ceci afin d'en couvrir les trop nombreux détails ou la trop grande netteté.
Pourquoi est-ce important ?


Illusions de détails

Vampyr (1932) gouache, pastel
L'une des plus intéressantes tâches de l'artiste est de déterminer ce qu'il doit nommer, suggérer et laisser aux propres projections de son interlocuteur. 
Ne pas assez dire revient à se taire, mentir par omission, induire en erreur ou conduire à l'indifférence.
Trop en dire devient attitude bavarde, pédante peut-être, voire même tourner à l'obscénité. L'interlocuteur ne peut que subir le flot d'informations, ad nauseam, sans aucun espace pour sa propre sensibilité ou/et intelligence. Son esprit est au mieux saturé, envahi dans les pires occurrences.
L'artiste désireux - en plus de s'exprimer ou de «s'approprier» son sujet - de communiquer ses perceptions en une vision, peut s'offrir la mission d'éveiller l'esprit de son interlocuteur, de partager son pain avec celui qui devient de facto son compagnon. 


Couche après couche

Vampyr (1932)  gouache, pastel, tempera
L'une de mes principales difficultés, lorsque je peins ou dessine, et de trop dessiner, préciser, dans les couches dévolues à la structuration de la composition et à la «mise en énergie» de la surface, étape fondamentale sur laquelle repose l'essentiel de la communication spirituelle.
Or, si ces couches où se manifeste la compréhension au sens le plus large sont amputées ou étouffées dans l'oeuf par des éléments chargés de définir, des lexiques, la crainte de recouvrir ou d'enfouir ces derniers par la mise en place de couches additionnelles rend anxieux . 
C'est tout le processus qui se trouve inhibé.
Je dois donc faire intervenir les "détails" le plus tard possible, ne pas trop dessiner dès le début, mais bien ébaucher. C'est simplement indispensable à l'évolution complète et harmonieuse de tout mon processus créatif et communicatif. Sinon, l'oeuvre se trouve amputée, invalidée.
Convict 13 (1920)  gouache, tempera, pastel
Pourquoi, en effet, écrire une danse ou un chant sans musique ?
Le mieux pour y parvenir, sachant que j'ai une vision très aiguë et détaillée, est de centrer cette vision sur chaque aspect, d'abord l'esprit, puis l'énergie (les deux sont proches), les structures lumineuses, les textures (les deux sont proches), les couleurs locales si nécessaires, les détails lexicaux enfin, dans la mesure où ces précisions sont utiles.
Je me rends parfaitement compte, en faisant cette liste, que détailler dès les premières interventions ne peut qu'être un handicap, SAUF à stopper le processus, le simplifiant alors à l'extrême. Les critiques parlent alors d'économie de moyens. C'est parfois pertinent, parfois un peu... court.
Il est vrai, cependant, que peu de gens acceptent ou supportent de s'arrêter plus de 10 secondes à contempler une image. C'est donc le risque de prêcher dans le désert qui est pris par le peintre exhaustif. Jeter des perles aux cochons, entend-on parfois.


Le modèle est-il essentiel ?

On peut distinguer le modèle, qu'il faudrait reproduire, de celui qui sert de source d'inspiration.
L'impulsion qui me pousse en tant que peintre à agir peut-être de deux ordres :

  • Emotion visuelle qui marque mon affect au point que j'ai envie de la partager 
  • Emotion spirituelle que je désire partager par le biais d'une image

En général, il m'est souvent difficile de dire laquelle des deux vient avant l'autre, car presque toujours elles sont intimement liées dans mes intuitions poétiques, artistiques.
Presque toujours je vis ma peinture comme une oraison, une sorte de prière très intime.
Je dirais donc que le modèle m'est essentiel, au moins jusqu'au moment où je décide de prendre le pinceau.
Ensuite, il arrive qu'une trop grande fidélité au modèle nuise à mon expression, dans la mesure où l'intuition que je désire peindre et partager est parfois très ténue, très subtile. C'est alors que l'image doit progresser en un dialogue entre elle et moi, le modèle étant prié de demeurer discret, au moins pour un temps.
Il peut même arriver que je doive sciemment occulter ou oblitérer une partie de l'image, pour que puisse éclore le véritable sujet. Nous en avons déjà parlé ci-dessus, je n'insiste donc pas plus.
Reste que si le sujet est un portrait, la représentation d'une personne à part entière dont je désire reproduire l'essence telle que je la perçois sur la surface picturale, alors oui, dans ce cas, le modèle doit primer jusqu'à la touche finale de l'exécution du tableau. Le dialogue s'institue entre le modèle et sa représentation, par le regard et les gestes du peintre.
City Lights (1932) fusain, tempera, pastel

English résumé


What is a mask, what is a veil, are they lying, or telling a truth for you to discover. As a painter, I prefer a poetic truth which gives the happiness to the viewer to discover one's own truth.
So it's my responsibility to use every proper technique to veil the subject and give it the stature of a real subject.

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