mercredi 13 avril 2016

Chaos (III) -  Marre de l'économie de moyen !

J'aime en art l'acte, le processus de recherche, le temps de la créativité. J'aime me plonger dans l'élaboration d'une oeuvre pour des jours, des semaines et des mois. J'aime la naissance physique de l'oeuvre et aussi sa venue progressive dans mon monde mental, sensible, spirituel.

Avec l'économie de moyens, je ne peux que faire preuve de mon éventuelle virtuosité. Mais je dois alors me priver de la recherche pure. Et ça : jamais !

Je veux au contraire utiliser une propriété qui a été mise en évidence par les recherches sur le déterminisme : la faculté proprement créatrice du chaos, de la sensibilité extrême aux conditions initiales. Ses effets n'apparaissent clairement et irréfutablement qu'après un grand nombre de mises en oeuvre, d'observations de ces mises en oeuvre et de leurs mises en perspective, voire en abîme.

Ainsi, je peux poser de nombreuses traces de formes triangulaires ou trapézoïdales ;   peu à peu elles se transforment ensemble par le simple fait que je les pose en ayant pour objectif la production d'une image mentale, peut-être le modèle auquel je me réfère.
Et ça marche !

image n°1
étude au fusain (grosse branche)
sur papier 56x42cm
L'image reproduite ici a été construite à l'aide d'un bloc de fusain cylindrique, un morceau irrégulier de branche d'arbre de la dimension d'un doigt. Certaines clartés ont été posées à l'aide d'un bloc de craie ressemblant à une petite brique de section carrée de même dimension que le fusain.

Le résultat est une image, la restitution d'une observation de la vie domestique. On y associera les symboles que l'on voudra, ou pourra.

Bien sûr, la précision qu'aurait permis une étude au crayon de graphite, par exemple, aurait été supérieure. Nous aurions pu obtenir plus de détails.

Mais l'approche par taches est plus picturale. Malgré l'absence de détails ou peut-être grâce au manque de détails,  elle est beaucoup plus évocatrice. En effet, l'esprit de l'observateur est en situation de devoir compléter lui-même la représentation. C'est le récepteur qui est le dernier maillon, avec toute son histoire, de la création de l'image. Cette dernière est donc totalement imprévisible dans son état final, tout en restant un vecteur important de communication.

Finalement, cerise sur le gâteau, au plaisir de la recherche du peintre s'ajoute le plaisir de la découverte de l'observateur. Je ferai donc l'économie de l'économie de moyens !

[Il se peut qu'une redondance apparaisse au fil de ce blog. C'est dans la nature même de ce type de communication. En effet, autant un livre propose la somme concaténée et épurée d'une recherche, autant le blog est le réceptacle, au fil du temps, de l'évolution de la recherche, avec ses avncées, ses hésitations, ses trous et ses répétitions éventuelles. Merci à ceux qui peuvent l'accepter, et mes regrets à ceux qui s'en lasseraient.]

Et maintenant, la version en anglais, par Christina :

And now, the english version by Christina :

Chaos (III) - Tired of the economy of means!

In art, I like the act, the searching process, the creativity time. I like to immerse myself in the development of a work for days, weeks and months. I like the physical birth of the work and also its gradual coming into my mental, sensitive, spiritual world.

With the economy of means, I can only show my potential virtuosity. But then, I have to deprive myself of pure research. And this: never!

I would rather use a property that has been highlighted by research on determinism: the actual creativeness of chaos, from the extreme sensitivity to initial conditions. Its effects appear clearly and irrefutably only after a large number of enforcement, observation of these enforcement and by putting them into perspective or even abyss.

Thus, I can apply many streaks of triangular or trapezoidal shape; gradually they evolve and progress by the simple fact that I apply them with the objective of producing a mental picture, perhaps even the model to which I refer. And it works !

The image reproduced here (see image n°1) was built with a cylindrical charcoal block, an irregular piece of tree branch the size of a finger. Some lights were applyed with a chalk block resembling a small brick square of same dimensions as charcoal.

The result is an image, the restitution of a moment of domestic life. One will associate the symbols that he will, or can.

Of course, the accuracy that would have benn allowed by a study in graphite pencil, for example, would have been higher. With much more details.

But the approach by spots is more pictorial. Despite the lack of details, or perhaps due to the lack of detail, it is much more evocative. Indeed, the mind of the observer is in the position of having to complete the representation by himself. It is the receiver who is the last link, with his entire history, of the creation of the image. The latter is therefore totally unpredictable in its final state, while remaining an important vector of communication.

Finally, icing on the cake, to the pleasure of the  painter' research, comes in addition, the pleasure of the discovery by the observer. So much for the economy of the economy of means!